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ASIE

cette femme en amante envoûtée, liée par le plaisir comme hier je l’étais de cordes.

 

La porte par laquelle j’entrai s’ouvre net. Une forme apparaît et dit :

— Allah est Dieu !

S’arrachant comme terrifiée à mes bras, la femme de l’émir se lève nue et répond.

— Loué soit-il !

La porte se referme. MA femme — mais… — se vêt vertigineusement. Une fois habillée, sans me regarder, elle va vers la porte sise près du lit, l’ouvre et disparaît. J’entends un seul mot qui me blesse comme si…

Ce mot c’est « Le pal ».

Je m’assied au pied du lit en méditant.

Évidemment, c’est une séduction ratée. Je me console en pensant qu’il fallait bien savoir comment opérer. Maintenant je serai moins emprunté. Tout de même, je tombe de haut. Si j’avais su, je n’aurais pas fait des efforts si puissants à la fin de cette heure désastreuse. Pour le résultat obtenu…

Et ça va peut-être me manquer tout à l’heure…

Je vais boire un peu du contenu de la cruche verte. C’est exquis. Allons, je saurai tout de même tenir encore. Je ne suis pas à bout de courage…

Et ce mot, qui se présente en moi par l’enchaînement des idées, me fait l’effet d’une douche froide. En effet, n’est-ce pas la formule même par laquelle on réveille en France le condamné à mort, afin de lui faire comprendre qu’une demi-heure plus tard il sera en deux tronçons ?

La porte s’ouvre et je vois entrer Nesser Bey. Il vient à moi avec un air compatissant.

— Tu n’as pas su ?

Je fais un signe d’indifférence.

— Elle a dit ceci exactement en rendant compte de tes actes : — Tout lui manque pour faire un mari.

Je relève la phrase :