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ASIE

Mais je ne vois aucun émoi se manifester. Évidemment l’éducation, ou l’amour d’Asie, ont donné à sa sensibilité une forme avec laquelle mes jeux ne s’accordent pas. Elle se relève sur le coude.

— Tu es las ?

Je devine le sens de cette phrase. Depuis combien de temps est-elle ici ? Il faut en venir au grand œuvre.

Je lui parle :

— Il faudrait dix fois cent ans pour adorer un corps comme le tien.

Elle rit nerveusement.

— Je croyais que vous autres, Occidentaux, saviez faire tenir dix fois cent ans en peu de minutes. C’est pour cela que j’ai songé connaître ton amour. Mais je vois que…

 

Cette fois je l’émeus. Sa voix s’étrangle et je fais vibrer le beau corps gras qui tremble. Les dents s’entre-choquent et elle murmure des paroles incompréhensibles.

Elle parle enfin :

— Tu es déjà fatigué.

Cette fois il s’agit des travaux d’Hercule, je le devine. Bah ! n’ai-je pas bien fait d’être maladroit au début pour resserrer à la fin les actes les plus « prenants » ?

Et je me connais tout heureux de constater que mes hésitations furent, en somme, la plus grande des habiletés.

Je m’efforce maintenant de donner sa plénitude au délire qui tient « ma femme » — je commence, en effet, au fond de ma pensée, à la nommer ainsi. Je m’y donne comme à un exercice difficile. Je sens les houles de grands frissons parcourir les reins cambrée de cette Asiate métissée. Cette fois je dois la tenir. Je suis sauvé.

Les minutes sont courtes. L’heure est sans doute prête de finir. Encore un effort et transformons