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ASIE

et s’enrouler au sol. Ensuite, c’est une autre partie du costume, puis une troisième. Je ne sais vraiment comment on pourrait appeler tout cela. Mais la chemise apparaît. Elle est de soie blanche et une fibule la tient sous la gorge. La broche défaite, la fente, ce que je nommerai le décolleté, s’ouvre jusqu’au ventre. Les manches sont d’une largeur extrême et une large bande brodée sert de ceinture. Voici ma « prétendue » en chemise et en pantalon. Car cet ornement fort asiatique se montre en son importance, serré autour du coup de pied et épanoui comme s’il devait mouler les formes d’une mère éléphant.

C’est ma foi assez élégant, cette vêture de femme boukhare ou turcomane. Mais cela manque d’intimité. Je n’ose porter la main sur tant de belles soieries finissimes et flottantes Pourtant je crois me souvenir que le cheik Neftzaoui conseille à un amoureux de ne pas laisser la femme nantie de ses ornements, car l’amour les détériore et elle ne vous pardonne pas cette destruction ; comment agir ?

Le temps passe. Si je le laisse couler en préparations, de quelle façon donnerais-je à cette belle blonde le désir de me proclamer son époux ?

Je me mets à genoux devant elle et je défais la ceinture dont le fermoir est constitué par deux boucles d’or filigrané. Elle laisse faire. Je suis donc dans le droit chemin. Le vaste pantalon choit doucement autour des pieds fins, nus dans des babouches de cuir rouge. Il ne lui reste que sa chemise qui retombe très bas, plus bas qu’il ne faudrait.

Mon Dieu, que je dois avoir l’air empoté et lycéen !… Comme s’il y avait des lycées en ce terroir perdu !… J’étreins par la taille celle aux yeux de qui je parus un mari présentable et je manifeste avec une passion feinte un enthousiasme délirant.

Cela ne rend pas. Le masque demeure impassible et un léger sourire même retrousse les commissures.

Je ne suis pas dans le bon axe. Changeons notre