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ASIE

à la dernière, si tu crains de ne pouvoir faire face à ses désirs.

Je prends une demi-douzaine de boules molles assez semblables de consistance au rahat loukoum.

— Sois prudent, parle peu et ne crains pas de mentir.

— Je serai tout cela.

J’ajoute :

— Ne pourrais-tu me permettre de prendre un bain pour assouplir mes membres que les liens ont fatigués ?

— Je le puis.

— Et me faire donner à manger aussi ?

— Tu l’auras. Me promets-tu de te souvenir de moi, si un jour tu retournes en ton pays ?

— Certes !

— Sauras-tu que, moi aussi, je suis du sang du Prophète ? Si l’émir trouvait des amis de ceux qu’il a fait tuer capables de lui nuire, je commanderais ici, sache-le, mieux qu’aucun de ceux qui s’y sont succédé.

Je devine que l’astucieux Asiate songe à la revanche des missions massacrées. Et il pose sa candidature aux fonctions royales.

Je me penche vers lui.

— Je sais que ton tour viendra…

Ces paroles énigmatiques le satisfont, il appelle. Quatre gardes entrent précipitamment et, sur un ordre qu’il leur donne, me conduisent jusqu’au bassin devant lequel j’ai rêvé. Je me dévêts et je plonge. Trois minutes je jouis de ce vêtement d’eau fraîche qui m’habille de mille frissons. Ma fatigue disparaît. Je sors de la piscine. On me tend une façon de serviette. Je m’essuie et reprends mes vêtements.

— Viens prendre quelques aliments, me dit Nesser Bey, qui est toujours là.

Je le suis. Nous entrons dans le pavillon par la porte sise à l’opposite et je me vois devant une théière, une tasse et des confitures étalées, avec des gâteaux, sur un plat ciselé. Comme festin, c’est peut-être insuffisam-