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ASIE

L’homme me parle.

— Suis-moi, je te prie.

J’emboîte son pas. Il me conduit jusqu’en la salle où je fus jugé. Lorsque j’y suis entré, il commande à deux gardes qui nous suivent de me délier.

Me voici les bras libres. Ce n’est pas trop tôt.

Ensuite il renvoie les deux gendarmes, ferme la porte et reste seul avec moi.

Il me regarde avec sérieux :

— Tu es prêt ?

— Je le suis.

— Écoute-moi donc, et songe bien que mes conseils sont probablement pour toi question de vie ou de mort.

— Je t’écoute.

— J’ai réglé l’ordre de ta nuit. La femme — Allah déverse sur elle tous les bonheurs — que tu vas recevoir la première est celle qui me semble le mieux en capacité de t’épouser. Elle est de sang européen. Si elle accepte, l’heure finie, tu t’en iras avec elle dans un lieu choisi. Les gardes t’accompagneront ; mais, le seuil franchi, tu seras libre. Si elle te refuse, tu sera averti, et la seconde viendra. De même pour la troisième. Si aucune ne te prend, l’ordre sera donné aussitôt de préparer le pal et ton supplice commencera une heure après, à la lueur des torches.

« Écoute encore. La plus belle est la seconde. Dis-le-lui.

Je comprends que les avis de cet homme prennent le chemin qui me servira. Je fais un signe d’approbation.

— Afin de pouvoir tenir devant toutes, car Dieu seul sait si tu n’auras pas besoin de toute ta vigueur, ménage tes forces au début et, au besoin, simule le plaisir.

— Je t’entends dis-je.

— Tiens, reçois cette pâte ! C’est un aphrodisiaque puissant. Tu ne le mâcheras qu’à la seconde, ou