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ASIE

Je tentai de réunir mes souvenirs car, tout de même, j’avais parcouru cet in-quarto. Oui, il y avait là dedans un tas de précieux et délicats conseils, dont la lecture en ce moment m’aurait été un inestimable bienfait. On y apprend ce qu’aime en amour la femme musulmane. On dit comment un amant peut l’émouvoir. On révèle les « amitiés » préparatoires aux derniers outrages, qui méritent peut-être ici le nom de derniers compliments. On décèle tous les menus tours de main, si je puis dire, de l’amant d’Asie. Hélas ! tout cela ne m’était aucunement resté dans l’esprit. Certaines fables de littérature curieuse, passionnées par un cynisme à la fois naïf et poétique, s’évoquaient seules en ma pensée. Mais quel conseil efficace en tirer ?…

Peut-être les fameux traités érotiques indous m’auraient-ils renseigné aussi. J’en possède une collection élégante. Pourquoi diable m’étais-je tenu naguère à la lecture des anecdotes au lieu de traiter cela gravement comme un manuel de minéralogie. Ah ! je pouvais aujourd’hui illustrer de documents inédits et sensationnels une théorie neuve de la science. Je la formulais de cette façon :

Il n’y a pas de science inutile ni de savoir périmé. Un homme doit tout apprendre. La physique de Varron et la zoologie de Pline ont leur emploi encore…

Mais toutes ces réflexions tissues de douces ironies, grâce à quoi je pouvais supporter une réalité simultanément burlesque et mortelle, ne changeaient rien aux faits. J’allais, sans doute dans un moment, me trouver en présence d’un être de l’autre sexe. Il me faudrait donner à ce corps, et à cette âme, une qualité ou une quantité « surchoix » d’émotions passionnantes, afin que la femme me gardât comme époux. Si j’échouais, ce serait à une autre de me faire tenter encore la chance. Enfin, au cas où mes deux premières maîtresses refuseraient mes futures étreintes