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ASIE

été avertis que tu savais très bien t’expliquer et que tes paroles sont captieuses. En réalité, tu voulais trois choses, trouver les mines de pierres précieuses qui sont par ici, et que nous connaissons, pour nous en dérober le produit. Ensuite, nous nuire et enfin nuire à nos amis les émirs de la Grande Russie.

Ici nous entamâmes une discussion qui menaçait de durer longtemps si mon émir n’avait pas commencé de ressentir un certain ennui. Tout le monde n’a pas l’esprit des juges professionnels, leur patience et leur désir de rendre la justice en disant le droit. Seïd Mhamed Rahim, dont la « justice » était aujourd’hui le carnaval favori, en avait déjà assez. Il fit semblant de consulter ses assesseurs et tendit au « greffier » un papier que l’autre lut à haute voix.

J’étais condamné à mort.

Lorsque la sentence fut lue, l’émir se leva et, avec un air affable, il dit :

— Je n’ai pas jugé bon d’organiser en mes États ; comme il est en Europe, un système d’appels qui puisse avoir comme conséquence de détruire ce que la justice fit. Mais si la condamnation est définitive, sache que tu dois l’attendre sans tortures. Tu seras jeté du haut de la tour et tu mourras subitement en arrivant sur le sol. Toutefois, tu peux recourir, si tu veux, à l’Épreuve. Mais alors, si tu échoues, tu seras empalé.

Je demandai avec un air hautain :

— Je ne sais pas ce que c’est que l’épreuve.

Il reprit :

— Tu vas le savoir.

Le greffier se releva encore et dit avec componction :

— Celui qui, par la haute sagesse de notre divin émir, œil de Dieu sur terre, Seïd Mhamed Rahim le victorieux, aura été condamné à être jeté de haut pourra en appeler aux Épreuves. C’est dire que sa magnanimité Seïd Mhamed Rahim le soumettra à certaines de ses femmes, devenues arbitres de son destin. Si l’une d’elles veut l’épouser, il sera libre