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ASIE

Or, les Russes, qui décidément sont de très habiles gens, ont pensé que les Anglais et les Américains mettraient sur pied des missions investigatrices, destinées à examiner et sonder ce pays. Cela leur déplaît, mais il est impossible de tenir les déserts en totalité par des troupes. Ils ont donc cherché le moyen de faire disparaître expertement, et sans se salir les mains, toutes expéditions étrangères. Leur combinaison, pour être machiavélique, n’en semble pas moins fort efficace. Ils ont donné licence absolue aux tribus pillardes du pays de mettre à mal les Européens non accrédités qu’ils rencontreraient. Et ils leur promirent l’impunité.

De plus, afin de bien fanatiser ces gens, ils leur affirmèrent mille choses absurdes, mais habilement choisies. Nous sommes tenus surtout pour ennemis des vrais croyants et de l’islamisme.

D’après mon « greffier », ce serait la troisième fois qu’une mission étrangère est détruite par l’émir Seïd Mhamed Rahim, de Yackhila…

Cependant l’homme qui expose mes crimes en a fini. Il s’assied.

Alors l’émir me demande :

— Accusé, quel est ton nom ?

Je lui réponds correctement, amusé malgré moi de cette comédie.

— Tu as entendu l’accusation qui vient d’être lue. Dis-moi ce que tu penses avoir à répondre ?

Je me mis à parler avec l’emphase orientale, qualifiai mon émir de tous les noms indispensables : victorieux, lumière d’Allah et mille autres formules, ensuite j’en vins à exposer que je n’étais en rien l’ennemi de la religion de Mahomet. Je fis tout un rapport sur le but que je poursuivais en mon exploration ; trouver des gisements de pétrole. Seuls peuvent les exploiter des grands États et ils assureraient aux habitants la richesse avec le bonheur, du jour où cette industrie fonctionnerait.

— Tu dis cela, rétorqua l’émir, mais nous avons