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ASIE

III

Les cachots de l’émir Seid Mhamed Rahim.

On m’emballa comme un paquet dans une étoffe liée aux deux bouts et on me posa, tel quel, dans une façon de panier sur le dos d’un cheval. Dans le panier parallèle, et faisant équilibre, un jeune garçon se prélassait et menait la monture ainsi bâtée. Ensuite on se mit en marche. Il n’y avait aucun danger, attaché comme je l’étais, que je devinsse un danger pour mes ravisseurs.

Au bout de deux heures de marche, dans la situation où je me trouvais, je vous prie de croire que je ne sentais plus ni mes bras ni mes jambes, ni d’ailleurs mon corps. Et cela dura tout le jour.

La nuit n’était pas encore complète lorsque mes brigands firent halte. On me sortit de mon panier et on m’étendit sur le sol. Lorsque les tentes furent dressées, on me porta dans celle qui faisait centre et je me trouvai en présence du chef de la troupe. C’était un homme légèrement barbu, de type iranien très net, aux yeux fixes et à l’air en même temps enfantin et féroce. Il portait le haut bonnet d’astrakan et deux ou trois robes de soie, avec, par-dessus, une pelisse en renard immaculé. Il tenait ses mains très soignées étendues à plat sur ses genoux et je vis qu’il avait les ongles laqués de rose. Deux bagues à brillants ornaient ses auriculaires.

Il me demanda :

— Tu es Russe ?

Je répondis froidement :

— Non. Je suis Français.

Il ferma les yeux deux secondes :

— Français… Comment se nomme ton émir ?

Je m’efforçai de le satisfaire en son questionnaire