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ASIE

Pas d’hésitation. Je cherche mon revolver à terre, je retire le couteau du corps de mon ennemi, je l’essuie sur ses vêtements, et m’éloigne lentement, écoutant la nuit qui m’entoure, seul et perdu désormais dans le Désert de la Faim.

Bientôt le silence recouvre mes pas. Je ne perçois plus les appels joyeux des vainqueurs. J’avance au hasard, craignant de tomber sur le camp de ces hommes, où doivent veiller les femmes et dormir les enfants. Mais le vent léger ne m’apporte aucun bruit de vie. J’avance… Maintenant il faut trouver un refuge autre que la terre nue. Je me dirige vers l’Amou-Daria.

J’ai marché jusqu’à l’aube. Lorsqu’elle arrive, je suis loin du fleuve dont il faudrait encore peut être quarante-huit heures pour voir les rives, mais je suis au bord d’un vaste étang comme les fleuves de l’Asie centrale, coulant sur une terre basse, en créent souvent très loin de leur lit.

Autour de moi, ce sont des végétaux tristes et sombres. Les herbes ont l’air d’algues pourries. Quelques arbustes se sont développés çà et là. Au nord, je vois une façon de vallonnement coupé en son centre. Ces collines et la vallée transverse m’indiquent le lieu où, selon mes instructions secrètes, doit gîter, presque à fleur de terre, le divin pétrole que je suis venu chercher.

Je trouve un abri. C’est entre deux arbres une dépression bordée à l’ouest par un talus. Il faudrait être à dix pas pour m’apercevoir.

Et je me mets à réfléchir.

L’aventure se présente redoutable. Je sais que mes Américains sont habitués à ne point faire le décompte des vies humaines que coûte une affaire. Si je les revois jamais, ils passeront le prix de ma première expédition par profits et pertes et me chargeront d’une autre mission, pensant avec juste raison qu’il n’y a pas d’homme plus prudent que celui qui fut échaudé une fois déjà. Mais, en attendant, je ne