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ASIE

sus quoi. Le jour vint enfin sans malheur et nous repartîmes.

Notre marche continua. Je vis cet après-midi-là des gazelles. Le pays était devenu montueux. Nos efforts pour atteindre aucun de ces délicats animaux ne furent pas couronnés de succès.

Enfin vint le soir. Notre inquiétude était toujours aussi attentive que la veille mais nous commencions à nous y habituer.

Et maintenant, voici le drame :

J’avais veillé jusqu’à neuf heures du soir, couché dans le sable, non loin d’une sentinelle. Je vins m’étendre sur mes peaux dans ma tente à ce moment-là, puis, réveillé à onze heures, je me relevai et vins de nouveau faire ma ronde.

À certain moment, ayant fait le tour du camp, il me sembla qu’un bruit bizarre s’entendait vers le nord. Je me glissai à plat ventre jusqu’à un monticule minuscule, mais qui m’apparut un excellent poste d’observation et d’audience.

Je me hissai doucement sur cette sorte de tumulus. Là-haut j’écoutai. Alors un frisson humide passa sur mon échine : j’entendais des chuchotements de voix autour de moi.

J’avais donné comme signal d’alerte un coup de fusil ou de revolver. Il était évident que l’on devait tirer ce coup, sans attendre, dès perception du danger. Je me trouvais à quarante mètres du camp. Il ne pouvait être question, maintenant, pour le signal de mise en défense, d’être rentré dans mes lignes. D’ailleurs, toute seconde perdue était un danger de plus. Revenir en courant, c’était me faire fusiller par mes sentinelles, rentrer en rampant, c’était perdre un temps inestimable.

Je levai mon revolver et tirai devant moi, au jugé.

J’entendis aussitôt le camp en émoi préparer la défense et me levai pour revenir en criant.

Trop tard. Une masse compacte d’hommes