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et font définitivement régner la mort sur l’immense terroir.

On rencontre parfois les restes d’enceintes de villages. Une tristesse sombre et poussiéreuse s’exhale de ces reliques d’un glorieux passé. Les ustensiles de terre cuite, les amoncellements de briques, les ruines d’une mosquée, de citernes et de puits se reconnaissent encore. Souvent aussi on n’y voit rien que des tombes anonymes.

Mais il advient pourtant que des sépulcres de marabouts soient restés intacts ou presque. En tout cas, ils ne furent détériorés que par la piété des fidèles qui, des siècles durant, ont voulu, leur pèlerinage accompli, emporter quelque morceau fétiche d’un saint lieu. Et ce sera toujours mon étonnement que de trouver sur ce sol ruineux, où tout s’efface vite et disparaît, des monuments en pisé qui, depuis cinq ou six siècles, ont duré sans fléchir. Avec cela nulle végétation ne pousse pour aider à ramener dans l’esprit du rêveur un peu de vie réelle parmi ces nécropoles. Rien, sauf des chardons décolorés. Pas une bête qui vole, coure ou crie autour de vous. C’est le silence de la mort.

Parfois nous passions sur un sous-sol affouillé. Au pas de nos chevaux, la terre sonnait. Mais il ne fallait pas songer à chercher là des débris archéologiques.

D’abord nos Afghans auraient mis une répugnance fâcheuse à recueillir des reliques d’art. Ils eussent pensé sans doute que nous avions découvert des trésors et ils auraient comploté de nous en dépouiller avant même qu’ils fussent mis au jour. De plus, j’étais le seul artiste de notre expédition. Les débris des dynastes perdus dans la nuit des temps n’avaient aucun intérêt pour mes collègues. Les monnaies grecques ou les restes d’art, contemporains d’une lointaine histoire, leur paraissaient des plaisanteries indignes de retenir un homme d’action.

À certain moment, en nous rapprochant de l’Amou-