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ASIE

II

Les brigands Turcomans.

Le pays que nous foulions, au nord de Merv, est un des plus illustres qui soient au monde. Pourtant, comme il est redevenu désert, il est possible de le parcourir longtemps sans rien apercevoir qui évoque le prodigieux passé des Gengis-Khan et des Tamerlan. Mais, lorsqu’on sait et qu’on devine, sous ces tumuli, ces débris de monument funéraire, et les milles signes légers d’une vie disparue, les vestiges d’une étonnante et mystérieuse civilisation, le désert s’anime et prend une face émouvante.

N’est-ce pas ici que Ninus passa avec Sémiramis ? Cyrus n’y fût-il pas vaincu par les Massagètes ? Alexandre foula ce sol dévasté. Les Parthes régnèrent en ce lieu, et c’est de là que partirent les hommes qui vainquirent l’associé de César et de Pompée, le multimillionnaire Crassus, dont la chair mortelle ne revit point Rome et dont le chef coupé orna quelque pique de soldat parthe. Les disciples de Zoroastre, puis les Nestoriens se battirent férocement ici. Une reine touranienne, Touran, fut célèbre et belle et géniale peut-être, dans ce Désert de la Faim, sans que son nom ait jamais franchi les portes de l’Occident. Plus tard, le Khalifat annexa le pays. Le fils de Haroun Al Raschlid, El Mamoum, fit son séjour de cette terre aujourd’hui inhospitalière, mais jadis semée d’oasis et de forêts. Les califes Seldjoucides ont pacifié ces horizons ingrats jusqu’aux jours redoutés des invasions mongoles, qui firent enfin le désert que nous contemplons. Touli-Khan, fils de Gengis-Khan, ravage tout. Mirza Scheroukh, fils de Tamerlan, tente encore de reconstruire les villes et les villages ; mais les émirs de Boukhara arrivent