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ASIE

saurait habituer. À mesure que nous nous éloignions de l’Afghanistan, nous pouvions compter sur la fidélité croissante de nos hommes. Mais, au départ, il fallait toujours craindre une tentative générale d’égorgement des blancs européens et même des Asiates élevés à Yale, car les trésors de notre expédition eussent certainement agréé à ces hommes, cupides, comme on l’est même en France, de tout ce qui paraît manifester la fortune…

Mais nous étions tous des gaillards résolus et une organisation sévère disciplinait nos dix-huit Hindous, encore qu’il faille hésiter à dire que l’Afghan soit un Hindou.

Une fois trouvée la source du fleuve Ak-Seraï, affluent de l’Amou-Daria, nous pûmes enfin descendre sur le versant opposé de l’énorme massif montagneux. Il y a, sur les pentes nord de l’Hindou-Koutch une multitude de vallées en éventail, où coulent des eaux torrentielles, avec des villages perchés sur des pentes abruptes que régit la polyandrie. C’est certainement un des coins les plus curieux du globe.

Nous arrivâmes exténués à Koundouz, après deux mois de prodigieux efforts. Cette fois nous étions dans la partie plane du pays dont il apparaît très difficile de donner le propriétaire. Est-ce déjà de Boukhara ou est-ce encore à l’Afghanistan ? Les Soviets ont été très habiles, comme je l’ai su depuis. Ils ont constitué précisément, en partant de leur République Boukhare, une série de petits États amis qui mordent déjà sur les Outlyings Governments anglais, ou gouvernements lointains.

De Koundouz, nous voici donc repartis en suivant l’Amou-Daria. Mais comme je voulais éviter de nous heurter trop tôt avec des missions russes, très actives en ce temps-là, nous prîmes la rive gauche de l’Amou-Daria, en plein pays Turcoman.

Quarante jours après notre traversée de l’Hindou-Kouch, nous cheminions en un terroir vide et rebutant dit : le désert de la Faim. Nous n’avions