chait intérieurement les déboires d’une carrière sans avancement et menacée d’une mise à la retraite, — d’autre part jeune, viril et charmant, alors qu’il voyait, et n’osait même plus aller regarder dans sa glace, les rides se figer aux entours d’un visage qu’il eût voulu garder plein de séductions. Ce n’est pas qu’il eût souhaité des conquêtes effectives dont la seule pensée lui faisait peur à cause du qu’en-dira-t-on, des éclats, des chantages. Ayant passé d’une débauche presque infantile à la continence absolue datant du jour où il avait pensé au quai d’Orsay et voulu faire une grande carrière, il avait l’air d’une bête en cage, jetant dans tous les sens des regards qui exprimaient la peur, l’appétence et la stupidité. La sienne était telle qu’il ne réfléchissait pas que les voyous de son adolescence n’étaient plus des gamins et que quand un marchand de journaux lui criait en plein nez : « la Presse ! » plus encore que de désir il frémissait d’épouvante se croyant reconnu et dépisté.
Mais à défaut des plaisirs sacrifiés à l’ingratitude du Quai d’Orsay, M. de Vaugoubert — et c’est pour cela qu’il aurait voulu plaire encore, avait de brusques élans de cœur. Dieu sait de combien de lettres il assommait le ministère, quelles ruses personnelles il déployait, combien de prélèvements il opérait sur le crédit de Mme de Vaugoubert qu’à cause de sa corpulence, de sa haute naissance, de son air masculin, et surtout à cause de la médiocrité du mari, on croyait douée de capacités éminentes et remplissant les vraies fonctions de ministre, pour faire entrer sans aucune raison valable un jeune homme dénué de tout mérite, dans le personnel de la légation. Il est vrai que quelques mois, quelques années après, pour peu que l’insignifiant attaché parût, sans l’ombre d’une mauvaise intention, avoir donné des marques de froideur à M. de Vau-