L’Officier de troupe (1)
PAR
Maurice Constantin-Weyer
Le plus beau grade de l’année française n’est pas celui de général en chef, même quand il se rehausse de la dignité de maréchal de France. Non ! Le plus beau grade est celui de capitaine, et le plus beau commandement celui d’une compagnie, d’un escadron, ou d’une batterie. Je me rappelle une certaine relève un peu mouvementée, en 1914, en avant du bois des Corbeaux, de l’autre côté du ruisseau de Forges. J’étais sergent, mais chef de section. Et, comme ma section était de tête, ce jour-là, je montais ie premier, une sale pente boueuse, toute parcourue du vol de guêpes irritées d’une fusillade, déclenchée par des gens nerveux. (On passait son temps à attaquer de petits éléments de tranchée, ces années-là.). Le capitaine J... qui commandait la compagnie, arriva. — Doucement, Constantin, doucement. .. Vous avez un pas de chasseur que nos hommes ne suivent pas. ...Restez derrière moi, mon ami... Vous savez le latin, vous... Eh bien, rappelez-vous que capitaine vient de caput tenens, celui qui tient la tête de sa compagnie.
On blaguait beaucoup le capitaine J... Mais, sous des dehors parfois un peu ridicules, un peu trop solennels, c’était un excellent commandant de compagnie. J’ai appris beaucoup à son école, et, tout d’abord, à ne pas traiter les hommes comme du « matériel » humain.
(1) Copyright by Maurice Constant in-Wcyer, 1940. Tous droits de traduction, adaptation, reproduction et représentation réservés pour tous pays, y compris la Russie (U. R. S.’S.).