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maintes fois la dureté qu’il lui montrait ; j’attribuai les précautions dont elle entourait sa démarche à la crainte qu’il en eût connaissance.

— Elle, cependant, garda soigneusement votre réponse ?

— Oui. Je fus étonnée d’apprendre qu’elle la tenait dans sa main au moment de sa mort ?

— Ensuite ?

— Je me conformai à la promesse que je lui avais faite. J’allai au rendez-vous. Je la trouvai près du pont, qui m’attendait. Jamais, jusque-là, je n’avais soupçonné à quel point j’étais détestée de la pauvre femme. Elle avait l’air d’une folle ; à vrai dire, elle devait l’être, et posséder cet instinct profond de ruse, de dissimulation, que parfois l’on observe chez les fous. Sans cela, comment eût-elle pu me voir chaque jour avec une indifférence si marquée, alors que dans son cœur elle nourrissait contre moi une haine furieuse ? Les propos qu’elle me tint, je ne saurais vous les répéter. Elle déversa sur moi un torrent de paroles extravagantes, horribles. Je ne lui répondis pas, je n’en aurais pas eu la force. Sa seule vue était à faire peur. Je m’enfuis en me bouchant les oreilles. Elle était, dans ce moment, à l’entrée du pont, d’où elle vomissait contre moi les imprécations et les invectives.

— Quand on la retrouva, où était-elle ?

— À quelques yards plus loin.

— La mort avait dû suivre de près votre fuite ; et, néanmoins, vous n’aviez rien entendu ?

— Rien. Mais voyez-vous, monsieur Holmes, j’avais été si remuée, si bouleversée par cette scène, que je ne songeai qu’à me réfugier dans la paix de ma chambre, et j’étais incapable de remarquer quoi que ce fût.

— Une fois remontée dans votre chambre, en êtes-vous ressortie avant le lendemain ?

— Oui : quand les cris dont la maison retentit