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pour moi était à la mesure de son amour pour son mari. Sans doute se méprit-elle sur la nature des rapports que nous avions, lui et moi. Ils ne contenaient, certes, rien d’injurieux pour elle ; mais sa façon d’aimer était d’un ordre qui ne lui permettait pas de comprendre un lien purement mental ou même spirituel, ni de concevoir que le désir d’exercer sur son mari une action bienfaisante me retenait seul sous son toit. J’avais tort, d’ailleurs, je m’en aperçois aujourd’hui et je le confesse. Rien n’aurait dû me faire rester puisque j’étais une cause de malheur pour cette femme, qui, cependant, n’eût pas été moins malheureuse si j’avais quitté sa maison.

— À présent, miss Dunbar, veuillez nous dire tout ce que vous savez des circonstances du drame.

— Ici encore, je ne dirai que la vérité, monsieur Holmes. Mais je ne suis en mesure d’apporter aucune preuve. Il y a des faits d’un intérêt primordial, dont l’explication ne m’est pas même concevable.

— Fournissez les faits, peut-être vous fournira-t-on l’explication.

— Eh bien donc, en ce qui concerne ma présence, la nuit, près du pont de Thor, sachez que j’avais reçu le matin un mot de Mrs. Gibson. Je le trouvai sur une table de la salle d’étude ; il se peut qu’elle l’y eût déposé elle-même. Elle me demandait instamment de consentir à la voir près du pont après le dîner ; elle avait, prétendait-elle, une communication très sérieuse à me faire et me priait de lui laisser une réponse au jardin sur le cadran solaire. Je ne comprenais pas pourquoi tout ce mystère ; mais je fis ce que me demandait Mrs. Gibson ; j’acceptai son rendez-vous et, selon le désir qu’elle exprimait, je brûlai sa lettre dans la cheminée de la salle d’études. Elle redoutait son mari, à qui j’avais reproché