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du pont. À part cela, elle refuse de rien dire, son avocat lui ayant conseillé de réserver ses moyens de défense. Nous avons à l’interroger sur plusieurs points d’une importance capitale et je ne serai tranquille qu’après l’avoir vue. Je dois vous avouer que sa cause me semblerait bien mauvaise, n’était un détail.

— Lequel, Holmes ?

— Le fait qu’on a trouvé le revolver dans sa garde-robe.

— Mais sapristi, Holmes, c’est ce fait-là surtout qui me semblait la condamner !

— Erreur, Watson. Même à première vue, je l’ai jugé très étrange ; aujourd’hui que je connais mieux l’affaire, il est le seul sur lequel je fonde un espoir. Nous avons besoin que tout se tienne ; faute de quoi, nous nous exposons à être déçus.

— Je ne vous suis pas.

— Supposons un instant, Watson, que vous soyez femme et que, froidement, vous ayez résolu la mort d’une rivale. Vous écrivez un billet. La victime arrive. Vous avez votre arme, vous commettez votre crime. Cela est très féminin et très complet. Me direz-vous qu’après avoir fait preuve d une habileté consommée dans l’exécution de votre dessein, vous allez ruiner votre œuvre et votre réputation en oubliant de jeter votre arme au milieu de ces roseaux, qui la déroberaient à tout jamais, et que vous sentirez le besoin irrésistible de la rapporter chez vous, pour la mettre dans votre garde-robe, c’est-à-dire à la place même où l’on ne manquera pas d’aller la chercher ? Vos meilleurs amis, Watson, hésiteraient à prétendre que vous ayez l’imagination créatrice ; et cependant je ne vous vois guère accomplissant un acte d’une aussi falote inconséquence.

— Dans la fièvre du moment…