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de Thor est une arche de pierre à double rangée de balustres, au-dessus de laquelle la grande allée du manoir franchit, dans sa partie la plus resserrée, une pièce d’eau longue et profonde, bordée de roseaux, qu’on nomme l’étang de Thor : à son entrée même gisait le cadavre. Tels sont les faits essentiels. Mais voici, je crois, notre client, et fort en avance.

Billy venait d’ouvrir la porte. Qu’on juge de notre surprise en l’entendant annoncer M. Marlow Bates. Ni Holmes ni moi ne connaissions ce visiteur. C’était un homme maigre, tout en nerfs, aux yeux épouvantés, aux façons hésitantes et convulsives. Mon œil de professionnel ne pouvait s’y méprendre : visiblement l’énergie nerveuse qui soutenait cet homme allait le trahir.

— Vous avez l’air bien agité, monsieur Bates, lui dit Holmes. Veuillez vous asseoir. Malheureusement, je ne dispose que d’un temps limité, j’ai un rendez-vous à onze heures.

— Je le sais bien, fit M. Bates, d’une voix saccadée, à peine distincte, comme s’il eût perdu le souffle. Vous attendez M. Gibson. Il arrive. Je suis au service de M. Gibson, j’administre son domaine. C’est une canaille, monsieur Holmes, une affreuse canaille.

— Vous employez les grands mots, monsieur Bates.

— Le temps m’est compté, je parle sans ambages. M. Gibson va être là d’un moment à l’autre, je ne voudrais pas pour tout au monde qu’il me trouvât chez vous. Le malheur est que je n’ai pu venir plus tôt, n’ayant appris que ce matin, par son secrétaire, M. Ferguson, le rendez-vous qu’il vous avait donné.

— Et vous dites que vous êtes son régisseur ?

— Je lui ai donné mon congé. Dans deux semaines j’aurai secoué les odieuses chaînes de ma servitude. Un homme terrible que M. Gibson ;