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était près de se lever de table ; son humeur semblait des plus heureuses et il y avait dans sa gaieté ce je ne sais quoi d’un peu sinistre qui caractérise ses bons moments.

— Holmes, vous avez une affaire en train, lui dis-je.

— Je vois que la faculté de déduction est contagieuse, Watson, me répondit-il. Oui, vous ne vous trompez pas, j’ai une affaire en train. Après un mois d’arrêt complet, la machine se remet en marche.

— Si vous voulez qu’on pousse à la roue ?

— Je veux bien que nous causions, tout à l’heure, quand vous aurez consommé les deux œufs durs dont notre nouvelle cuisinière nous a gratifiés sous couleur d’œufs à la coque. La condition de ces œufs doit n’être pas sans rapport avec le numéro du Family Herald que j’ai vu traîner hier sur un meuble du vestibule. Même un acte aussi simple que de faire cuire des œufs à la coque requiert une attention soutenue, consciente des minutes qui passent, et incompatible avec le roman d’amour que publie cet excellent périodique.

Un quart d’heure plus tard, la table débarrassée, nous étions, Holmes et moi, face à face. Il avait tiré de sa poche une lettre.

— Vous connaissez, me dit-il, Neil Gibson, le roi de l’or ?

— Le sénateur américain ?

— En effet, il a, naguère, représenté au sénat un des États de l’Ouest ; mais sa notoriété lui vient, surtout, de ce qu’il possède les plus riches mines d’or qu’il y ait au monde.

— Parfaitement. Il a dû vivre un certain temps en Angleterre, son nom m’est très familier.

— Voilà cinq ans, il s’est rendu acquéreur d’un immense domaine dans le Hampshire. Vous avez su sans doute la fin tragique de sa femme ?