Ballets Russes
Choses vues
par
Michel Georges-Michel
Autour de cette table du Savoy, près de la baie où Stagne le serpent jaune de la Tamise, douze personnes sont assises. C’est le nombre ordinaire des convives quotidiens de M. Serge de Diaghilew, directeur du Ballet Russe. Mais une vingtaine de cocktails attendent devant le saumon fumé, les huîtres au caviar, le sweet-corn et autres hors-d’œuvre du palace londonien. C’est l’avant-veille de la première de La Belle au Bois Dormant, de Tchaïkowsky, et Von attend beaucoup de monde, des quatre coins de l’Europe. Déjà Strawinsky, à qui Diaghilew avait demandé d’instrumenter les parties non orchestrées du célèbre ballet, est arrivé de Biarritz, il y a un quart d’heure. Et, à peine assis, il explique à deux critiques anglais pourquoi TchaïkowsKy est l’antiwagnérisme même. Dans le vestibule de l’hôtel, le compositeur de ce fameux Sacre du Printemps, sifflé, hué, il y a huit ans, et aujourd’hui respectueusement