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Alexandre Naudin vit au fond du jardin un grand tableau divisé en cent petites cases dans lesquelles s’affichaient, selon rappel crié à haute voix par un croupier, les numéros sortis. L’assemblée suivait le jeu avec un intérêt passionné, tout en soupant.

Les deux officiers achetèrent chacun une carte pour le prix d’un rouble et se mirent à pointer les numéros appelés. Le hasard voulut que notre jeune officier complétât sa carte le premier. Il le dit à son ami qui cria d’une voix forte :

Davolno. (Satisfait.)

Le jeu aussitôt s’arrêta. Un employé vint prendre la carte gagnante et la porta au vérificateur. Il revint un instant après et dit :

— Correct.

Ayant ainsi parlé, il aligna sur la table soixante et six roubles. De toutes parts, les gens se retournèrent pour voir l’heureux gagnant et, comme on ne le connaissait pas, on le regarda plus longuement. Le jeune Alexandre Naudin jouissait de son succès et se tenait très droit.

— Vous avez donc de la chance, mon cher Alexandre Edouardovitch, dit son compagnon. Nous allons boire une bouteille de champagne à votre victoire.

Il ne voulut jamais que son excellent camarade payât la bouteille et Alexandre Naudin se vit obligé d’en commander une seconde. Cependant des amis de l’officier russe s’étaient rapprochés et s’assirent à sa table. Notre compatriote fit ainsi plus de connaissances en une heure qu’il n’en aurait fait en un an, eût-il été seul à Tiflis. On but à la santé de la France et lorsqu’Alexandre Naudin, vers les trois heures du matin, regagna l’hôtel de Londres, il se félicitait d’avoir trouvé pour son séjour au Caucase un si parfait compagnon.

Ces fêtes familières se renouvelèrent. Il ne