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Les Nomades

Nouvelle inédite

par

Charles-Henry Hirsch

Depuis la crevaison du cheval, — il y avait un mois, maintenant, — la roulotte stagnait, échouée là, au carrefour, sur un bord de la route nationale. Les deux petits, aux yeux immenses, avaient pleuré la bête comme un camarade de tous leurs jours. Jusqu’à l’enlèvement du cadavre gonflé, le grand-pere, pareil à un aulne desséche, avait hurlé à la mort. L’équarrisseur avait mal payé la carcasse de fatigue et de famine usée aux quatre vents de l’Europe. Alors, le vieux s’était pris à gémir qu’il était un « misérable Kaspar », un « malheureux Kaspar », à cause que la branlante voiture ne pourrait plus, cette année, descendre vers les &aintes-Maries-de-la-Mer, pour le porter au rendez-vous des nomades dont il était devenu l’un des doyens. Son fils Arr’hû consultait le tarot, le marc de café, les astres, le vol des corneilles et des chauves-souris. Toujours funestes, les augures abattaient son âme dans son être énergique. Il se serait couché sous le Sort pour attendre sa fin,