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Eux
que la fièvre et la soif dominent
qui préfèrent l’eau à n’importe quelle vie
Suis-je déjà aussi léger qu’eux tous

Cette haine sourde comme un puits
qui est là
entre mes doigts
entre mes yeux
entre mes dents
et qui frappe chaque seconde
Vais-je donc continuer à jouer avec elle
et à regarder le ciel d’un air indifférent
quand je sais qu’il faut qu’il tombe sur ma tête
Suis-je donc si léger qu’il faut que je dorme
pour ne pas voir mes mains
ou faut-il les couper pour ne plus les aimer
léger comme la pluie
léger comme le sable
léger comme le feu
je sens la terre qui s’éloigne de moi
mais il me reste mes deux yeux
pour creuser toutes les tombes du monde
et mon vieux brave de cœur où il reste tout de même encore assez de sang
pour me désaltérer de temps en temps


Philippe SOUPAULT