Page:Les Écrits nouveaux, Tome 8, numéros 8-9, août-septembre 1921.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mort, je ferai sauter mon cercueil pour aller vers ce que je désire.

Malédiction, écume sur la tendresse ! Que nos cuirs sentent mauvais, que la terre colle dans nos oreilles, que rien ne soit plaisant sur la chair austère et drue. Nous voulons cela ! Malédiction sur ce qui plaît.

Mais si je rencontre une femme, je la terrasse et la rejette, car cela est bon pour ma force.

Ô bonheur lâché ! Ô bonheur crié dans sa chevelure ! Dieu, si j’ai jamais autant d’amour que j’aurai porté de bonheur,

éclatée sera ma poitrine, et ce qui sert de ciel autour du monde !

La force sort de moi comme la sueur, hors l’épaule de la femme baisée. Vent entre mes doigts sans bagues, et la sainte stérilité des paumes, et le libre sang natal, libre comme la libre mer,

et mes bottes qui craquent quand je marche sous ma vie et mon jarret garçonnier !

Je me moque de la Vérité ! Dérision sur la Vérité ! C’est pour ma patrie que je me bats. Si demain m’était démontré que ma patrie n’est pas la lumière, mais le boisseau qui cache la lumière, je ne m’en batterais pas moins pour ma patrie. Je me bats pour ma patrie et pour ma joie. Dérision sur ceux que choque ma joie !

Ma vie ! ma vie ! Comme elle est belle ! J’aime ma vie.


Henry de montherlant.


Oise, 1918, 360e R. I.