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CHANT DE LA GRANDE VIE DE VACHE


C’est l’honneur et le danger de l’art de donner à une seconde l’apparence de l’éternité. Pour une heure « dionysiaque », telle que chaque soldat de vingt ans en a vécue, ne semblé-je pas exalter toute la guerre ?

Acceptant le principe de la guerre, je serais indigne à n’en pas accepter toutes les conséquences. Mais je serais indigne, aussi, a les embellir. Les entrailles des peuples aiment la guerre. Je ne collabore pas à cet amour.

Je tiens à dire ici que, tel qu’il est, isolé, ce poème est un mensonge. Il faudrait pour l’encadrer cent poèmes de protestation et de détresse. Cette réserve est essentielle.

Les bienfaits de la guerre existent. Je ne voudrais pas avoir écrit un livre qui portât ce titre.

M.


Ma vie ! Ma vie ! Comme elle est belle ! Comme j’aime ma vie !

J’aime la poussière sur mes bottes, la poussière sur la force de mes jambes. Je puis marcher dans de l’eau, plonger dans de la terre éboulée ! J’aime mes mains moites, pas propres. Ma canne, sur la poignée où je m’appuie, est salie par ma sueur mâle.

Que la sueur noire coule sur mes joues ! Je veux être un objet de répulsion pour les femmes.

Malédiction sur leur faiblesse ! Malédiction sur tous les faibles ! Malédiction sur les choses de l’âme ! Mon casque qui me serre et me brûle me fait moins mal autour des tempes que ne me faisait mal la pensée bête. (Cher casque, cache mon front, mon esprit.)