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ont grand besoin chez eux ; leurs colporteurs arrivent même en Afrique et aux Indes ou au Pôle Sud, et luttent pour le marché. C’est très simple : On vend aussi les canons.

Les deux questions, tabou dans la presse anglaise et américaine, et peut-être mondiale, sont la distribution, et le crédit. On a vu Londres maquillé d’affiches : « Produisez, Produisez. » Mais on se tait au sujet de la répartition des produits dans le public, et même parmi ceux qui les ont produits.

La guerre est le suprême sabotage, le chômage des ouvriers est ce qu’on appelle, dans ma langue natale et rustre, « a mere fleabite », une morsure de puce : on se gratte, on ne parle pas des autres sabotages, les sabotages de crédit. En effet il y a des inventions mécaniques supprimées tous les jours, et l’efficacité vantée des usines monte à 5% au lieu d’un 70% possible. Et on prêche la doctrine de la beauté du travail ; ou on dit : « La civilisation est impossible sans une multitude d’ouvriers qui demandent du travail et sont menacés de la faim. » Ce qui est vrai c’est que, sans les grands sabotages et sans les affamés, on examinerait le système actuel de crédit.

La question du choix de ce qu’on va produire est également délicate. Le parfait et inévitable homme d’affaire ne produit pas les choses utiles quand il peut gagner un pourcentage plus élevé en produisant des choses inutiles. Et l’économie politique est si peu à la mode dans la conversation des salons ! Peut-être y trouvait-elle place en 1830 ; maintenant elle n’est discutée qu’aux meetings des prolétaires. C’est dommage parce que les arts eux-mêmes n’existent qu’en fonction de la situation économique d’un pays. Les États-Unis, rassasiés d’or, pleins de locomotives, et de robinets de bain en porcelaine magnifique, ont exilé leurs arts ; simplement parce que le luxe fleurit, et que les choses nécessaires à la vie sont si chères, que le loisir manque.

Pour l’art, pour la littérature, il faut la mansarde à bon marché, et le potage bon marché. Il faut que l’écrivain, le peintre, le musicien puissent vivre de ce qu’ils gagnent dans une partie restreinte de leur temps, et qu’ils donnent leurs heures libres aux œuvres qui ne rapportent rien, et qui ne peuvent pas « rapporter ». C’est à ce point de vue que la Politique est à sa place dans une revue littéraire. C’est quand les erreurs du sys-