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L’ARABIE



La rue North Richmond, finissant en impasse, était une rue tranquille, sauf à l’heure où sortaient les garçons de l’École chrétienne des Frères. Une maison à deux étages, inhabitée, s’élevait au bout de l’impasse, séparée de ses voisines par un tertre carré. Les autres maisons de la rue, conscientes des vies décentes qu’elles abritaient, opposaient leurs faces imperturbables et brunes.

Celui qui avait habité notre maison avant nous, un prêtre, était mort dans le salon du derrière. Il flottait un air rare dans toutes les chambres closes depuis longtemps, et le débarras, derrière la cuisine, était jonché de vieux papiers inutiles. Parmi ceux-ci, je découvris quelques livres à reliure de papier, dont les pages étaient humides et enroulées. L’Abbé, de Walter Scott, Le Dévot Communiant et les Mémoires de Vidocq. C’était le dernier que j’aimais le mieux, parce que ses feuilles étaient jaunes. Le jardin inculte, derrière la maison, avait un pommier au milieu, et quelques buissons épars ; et sous l’un d’eux, je découvris la pompe à bicyclette, toute rouillée, du dernier habitant. C’était un prêtre très charitable ; il avait laissé, par testament, tout son argent aux bonnes œuvres et son mobilier à sa sœur.

En hiver, quand les jours raccourcissaient, le crépuscule arrivait avant que nous n’ayons fini de dîner, et quand nous nous retrouvions dans la rue, les maisons étaient déjà devenues toutes sombres. Le coin de ciel au-dessus de nous était d’un