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coururent successivement la Suisse, l’Allemagne et l’Italie. Ces divers changements de lieux eurent peu d’influence sur la santé morale de Donatien ; il voulut revenir à Bois-Rocher, et tous deux s’y fixèrent définitivement.

Souvent, pendant les beaux jours d’automne, on les voyait se promener sur la plage qui, de Saint-Sébastien, s’étend jusqu’au hameau de Pornichet. Les pêcheurs étaient involontairement frappés de respect et d’admiration en voyant la pâle et belle figure de Rose, qui entourait de soins et de tendresse le malheureux Donatien, resté beau aussi malgré l’expression incertaine et mélancolique de son regard.

Souvent, en passant près du petit cimetière où reposait sa sœur, Rose regrettait de ne pas être à sa place.

Donatien vécut ainsi quelques années, grâce à la tendresse et aux soins de sa femme. Quelque évidente que parût sa fin prochaine aux indifférents, Rose ne pouvait y croire encore, elle s’imaginait que sa tendresse aurait assez de puissance pour l’empêcher de mourir.

Lorsqu’elle le perdit, sa mort fut pour elle un coup de foudre, car elle s’était attachée à lui bien plus encore par ses soins et son dévouement que par les énivrements des premiers temps de leur amour.

Après une vie entière, consacrée au bonheur des autres, Rose restait seule ; sa mère, sa sœur, son mari, tous avaient disparu, et jusqu’à l’abbé Gervais, son dernier ami.

Cependant, Rose était jeune encore ; elle pouvait rentrer dans le monde et s’y créer de nouvelles affections. Mais elle ne voulut pas l’essayer, le malheur avait creusé un trop profond sillon dans sa vie pour qu’elle pût désormais trouver le bonheur.

Quelques années encore on la vit errer sous l’ombrage des châtaigniers ou sur le rivage de l’Océan.

Chaque jour elle visitait le cimetière de Saint-Sébastien ;