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tien, mais elle espérait que cette courte absence rendrait à ce dernier le calme et la confiance qui avaient précédé la fatale résolution, qu’elle regrettait de n’avoir pas à jamais ignoré.

Cependant, elle reconnaissait que Donatien avait agi loyalement en lui confiant les événements qui avaient signalé son triste passé.

Les premiers jours, qui suivirent le départ de Donatien, furent très pénibles pour Rose. Il en est toujours ainsi, celui qui demeure est bien plus à plaindre que celui qui s’éloigne, ce dernier est inévitablement distrait par le changement de lieu, tandis que l’autre retrouve dans chaque objet, dans chaque acte de sa vie journalière, un nouveau motif de souvenirs et de regrets.

Cependant, comment comparer la douleur même de la plus longue absence à celle qu’on éprouve en perdant à jamais un être aimé. Lorsque la mort a fermé les yeux, dont les regards s’attachaient sur nous avec tant d’affection, et que la voix qui nous adressait des paroles de tendresse s’est éteinte à jamais, quel silence, quelle douleur succèdent aux angoisses, aux alternatives de crainte et d’espoir qui ont précédé la dernière heure ! Lorsqu’on a vu disparaître sous le linceul les traits d’un être chéri, et qu’on a vu jeter dans la terre, comme un vil rebut, cette personne qu’on aurait voulu préserver du moindre contact, et qu’on se plaisait à entourer de tant de soins et de tendresse, tout se révolte en présence d’un acte qui semble barbare et qu’on regarde comme une profanation. Un cri terrible et désespéré s’élève alors vers le Ciel, car on cherche encore la vie dans la mort ; et lorsqu’on rentre dans cette demeure déserte, dont la personne aimée a franchi le seuil pour jamais, quelle tristesse, quel abandon font éprouver cette absence ! Longtemps encore, on croit entendre les pas et la voix qu’on n’entendra plus, et par une illusion cruelle, on se surprend à espérer un retour