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IV

Il est impossible d’exprimer la surprise et l’effroi dont Rose avait été saisie en achevant ce triste récit.

Son âme candide était loin de soupçonner de pareils orages dans le passé de Donatien, dont elle jugeait la vie d’après la sienne. Toutefois, son premier mouvement fut de croire à l’innocence de Donatien, dont l’imagination en délire et la sensibilité exaltée avaient créé les fantômes dont sa raison ébranlée n’avait pu juger l’impossibilité.

Ce ne fut donc pas la crainte d’aimer un criminel, mais celle de confier le soin de son avenir à un homme dont le caractère indompté et violent pouvait être à la moindre circonstance privé de nouveau de son libre arbitre et de sa raison.

Lorsque Rose avait commencé à s’attacher à Donatien, sa bonté, sa douceur inaltérable, son caractère si pur et si dévoué avaient exercé une heureuse influence sur l’âme du fougueux insulaire, mais qui pouvait répondre que cette domination de l’amour survécût à quelques années de mariage ? Rose avait toujours pensé qu’elle était le premier objet de l’amour de Donatien, et maintenant elle apprenait qu’une autre avait disposé de tous les trésors de son âme dans les emportements d’une passion insensée et violente. Mille sentiments divers et contradictoires agitaient l’âme de Rose, où la pitié et l’amour combattaient vainement les plus funestes pressentiments. Cependant ce dernier sentiment l’emporta, Rose se décida à ne rien laisser voir à Donatien de ses doutes et de ses cruelles