Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sents à sa pensée, Rose avait inutilement essayé vingt fois de retracer son image.

Mme Barton avait rompu toutes relations avec M. Duval, qu’elle accusait justement par son obstination à refuser son consentement au mariage projeté, de la double mort de Blanche et de son fils.

Par une sombre soirée de novembre, en harmonie avec sa tristesse, Rose contemplait avec mélancolie la chûte des feuilles et les fleurs mourantes, que sa sœur avait vu naître et grandir ; quelle que fut la fragilité de leur existence, elles avaient survécu à celle qui n’était plus qu’une froide poussière.

Tout à coup on annonça à Mme Barton qu’un étranger demandait à la voir avec instance. La carte présentée par le visiteur portait le nom de Donatien Oviedo Davila. On avait écrit ensuite au crayon : venant des Colonies.

Une pensée subite traversa en même temps l’esprit des deux femmes ; c’était que cet étranger avait connu Maurice.

Il fut aussitôt introduit ; c’était un homme d’environ trente-cinq ans, ses traits étaient beaux, réguliers, son teint, la couleur de ses yeux et de ses cheveux annonçaient une origine espagnole. Il était en grand deuil, son regard mélancolique et passionné et ses manières gracieuses et douces étaient celles qui caractérisent les créoles.

« Madame, dit-il en s’adressant à Mme Barton, je suis un étranger pour vous, mais vous ne l’êtes pas pour moi, car j’étais l’ami de Maurice, et je viens vers vous chargé par lui d’un triste message.

— Quel qu’il soit, répondit Mme Barton, nous l’accueillerons avec reconnaissance, et croyez, Monsieur, que les amis de Maurice seront toujours les nôtres.

— J’espère, Madame, reprit Donatien, que la mission dont je suis chargé vous apportera quelque consolation.