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Loin d’éprouver le sentiment de bien-être si ordinaire aux convalescents, Marguerite revenait à la vie avec indifférence. Silencieuse, immobile, inerte et presque sans pensées, elle restait de longues heures dans un accablement qui ressemblait au sommeil. Elle resta tout l’été à sa maison des champs, et n’assista pas à la procession de Sainte-Marguerite qui lui rappelait de si cruels souvenirs.

Jean avait écrit qu’il s’embarquait pour les colonies, afin d’y refaire sa fortune. Le Procureur regrettait son absence ; il en parlait souvent, et Marguerite trouvait une amère satisfaction à entendre prononcer son nom.

De retour à la ville, elle visita souvent la pieuse abbaye du Buron, et ces visites, qu’elle n’avait jamais manqué de faire depuis qu’elle était mariée, devinrent sa seule consolation.

Cinq années s’étaient écoulées depuis le départ de Jean ; il n’avait plus donné de ses nouvelles, il était oublié de tous ; son souvenir ne vivait plus que dans le cœur de Marguerite.

Le procureur Lenoir était mort depuis trois ans ; sa jeune femme lui avait prodigué les soins les plus touchants jusqu’à sa dernière heure.

Depuis, un grand nombre de prétendants avaient aspiré vainement à la main de la jeune veuve. Quelques personnes supposaient qu’elle voulait se retirer à l’abbaye du Buron.

Cette opinion fut bientôt démentie, lorsqu’au retour de Jean Davenel on apprit qu’elle allait épouser l’ancien clerc de son mari. Ce dernier, en arrivant en France, s’était empressé de revenir près de Marguerite, qu’il espérait retrouver fidèle et qu’il savait libre.

Les spéculations de Jean avaient été heureuses, il revenait riche ; on ne pouvait donc lui supposer, en épousant Marguerite, aucune vue intéressée.

Le mariage fut célébré avec pompe, et la constance