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l’expression de son amour ; Marguerite lui imposa d’abord silence, puis elle l’écouta, et finit à son tour par lui avouer qu’elle ne l’aimait pas moins qu’elle en était aimée.

Cet aveu remplit le cœur de Jean de bonheur et d’espoir.

Toutefois Marguerite n’était pas une de ces femmes chez qui l’amour l’emporte sans résistance sur le sentiment du devoir. D’abord une tendre intimité, un échange de pensées, une conformité d’aspirations et de souffrances en présence de l’obstacle qui les séparait s’étaient établis entre eux. Mais ce bonheur chaste et pur se changea bientôt en une lutte incessante. Jean désirait beaucoup, et Marguerite ne pouvait rien accorder, son cœur s’était donné involontairement ; mais c’était une de ces femmes chez qui la raison l’emporte sur la passion. Prêt à saisir le bonheur, Jean le voyait fuir comme l’enfant de la main duquel s’échappe le papillon qu’il se croyait sûr de retenir.

Ces luttes durèrent longtemps, avec des alternatives de calme et d’orage ; à la fin, le caractère vertueux et ferme de Marguerite l’emporta, et le sentiment de sa faiblesse, en présence d’un danger sans cesse renaissant, lui fit prendre la résolution d’éloigner Jean.

Cette séparation fut une cruelle épreuve pour tous deux. Jean résista d’abord, puis il céda au désir de Marguerite. Peut-être dominé par un sentiment vrai, après avoir placé Marguerite si haut dans son cœur, craignait-il en la possédant comme une simple femme, de voir se flétrir la brillante auréole de perfection et de vertu dont elle était entourée.

Après bien des pleurs et des promesses réciproques de s’aimer en dépit du temps et de l’absence, Jean partit.

Après son départ, Marguerite éprouva d’abord une espèce de soulagement en se sentant délivrée de la nécessité de combattre chaque jour l’amour de Jean, et surtout celui