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serait diminuée d’un tiers ; mais elle l’est de beaucoup plus, parce qu’un assez grand nombre d’ouvriers se sont mis à travailler la laine, et d’autres le lin et le chanvre, auxquels a profité la hausse du coton. » Les calculs de M.  Paul Boiteau nous semblent plus justes que ceux de M.  Pouyer-Quertier. Mais une perte de 53 millions de salaires au taux moyen de 3 fr. par jour ou 1000 fr. par an, c’est 53,000 ouvriers sans moyens d’existence. Dussent cette perte et ce nombre être encore réduits de moitié, si l’on pense que la fabrication française ne produit que le cinquième environ de la production cotonnière européenne, on peut conclure qu’au moins 100,000 ouvriers en Europe, par suite de la guerre d’Amérique, furent laissés presque constamment, pendant près de trois ans, sans ouvrage, et qu’un nombre triple ou quadruple vit notablement réduire ses salaires. Ce terrible chômage, combien de morts ne causa-t-il pas ? Telle est la guerre. Elle est de sa nature si homicide, qu’elle fait des milliers de victimes à 2 000 lieues des champs de bataille.

Si l’Amérique bouleversa notre industrie en ne nous fournissant pas de matières premières, elle la troubla encore en ne nous achetant plus nos produits manufacturés. « On comprend qu’un client aussi affaibli doit être pour nous un triste client, et qu’on ne peut pas, la guerre finie, voir le passé renaître instantanément. Aussi dans les états de douanes, les exportations de la France à l’étranger