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LES GUERRES CONTEMPORAINES

recourir aux approvisionnements de la Russie pour combler le déficit de leur récolte ? Excepté en Russie, les récoltes étaient trop faibles dans toute l’Europe. Si la paix eût subsisté, la Russie eut pu facilement en deux ans fournir à ses voisines près de 40 millions d’hectolitres, écrivait M. de Molinari, dans le Journal des Économistes. Mais tous ces blés étaient retenus à Odessa par les flottes alliées, qui pour nuire aux Russes affamaient leur propre pays. Les revues torys annonçaient qu’avec quelques shellings de plus par hectolitre on pouvait faire venir en Angleterre les blés du far-west de l’Amérique (Blackwood magazine, 1er  avril 1854). Mais quelques shellings de plus par hectolitre, c’est assez pour mettre la disette à la place de l’abondance. N’est-il pas certain encore que la France et l’Angleterre se firent à elles-mêmes un dommage permanent en ruinant la Russie ? La masse d’affaires que l’on peut faire avec un peuple aussi bien qu’avec un particulier est proportionnée à ses ressources : tout ce qui appauvrit une nation est dommageable pour celles qui commercent avec elle ; c’est folie de ruiner son acheteur ou son vendeur, c’est lui ôter les moyens d’acheter ou de produire. En réalité c’était contre l’industrie anglaise et française, autant que contre l’industrie russe que nos croisières bloquaient les ports de la Baltique ; et la flotte qui fermait les ports de la mer Noire ne nuisait pas moins aux populations affamées de l’An-