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LES GUERRES CONTEMPORAINES

lue à 600,000 le nombre des soldats russes qui ont péri de maladies et de fatigues. Ce chiffre, au premier abord, paraît exagéré, mais un peu de réflexion montre qu’il est fondé sur des inductions légitimes. Il faut d’abord tenir compte des levées considérables qui ont été faites en Russie pendant les années de guerre. Au lieu de prendre 7 hommes sur 1000 serfs comme c’était l’habitude, on fit, en 1854, deux levées de 12 hommes chacune sur 1000 serfs ; en 1855 il en fut de même : ainsi, en ces deux années, on leva 48 hommes sur 1000 serfs au lieu de 14, qui était le chiffre normal ; c’est-à-dire, que l’on enleva à l’agriculture trois fois et demie plus d’hommes que les années précédentes. Dans un empire aussi vaste que la Russie, des levées qui, en deux ans, prennent 5 p. 100 du nombre des serfs donnent un effectif énorme, et indiquent par là même l’étendue des pertes. Il faut se rappeler que la plus grande partie de ces recrues, pour arriver à Sébastopol, des provinces, soit du centre, soit du nord, soit de l’est, soit de l’ouest, dut faire 3, 4 ou 500 lieues à travers des contrées pauvres et où les routes sont rares. Il faut enfin tenir compte de l’expérience des guerres précédentes faites par la Russie. Un des officiers d’état-major les plus distingués de notre temps, le baron de Moltke a écrit une monographie remarquable de la guerre de Turquie en 1828-29 (Der Russische Turkische Feldzug in der Europàischen Turkei, 1828-29, dargestellt durch