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ces vastes et incommodes manteaux que l’on porte en Italie et en Espagne, dont une très-petite partie sert à celui qui en est chargé et le reste est sans utilité, embarrassant et gênant. »

Comment cette propriété collective si vantée a-t-elle disparu presque du monde entier, sans accord préalable entre les différentes nations, si bien qu’on ne cite plus comme la conservant que Java, quelques districts des Indes, la Russie, quelques districts des cantons suisses, les plus pauvres et les plus arriérés, Schwytz, Untenvald, le Valais ?

À cette disparition de la propriété foncière collective ont contribué deux causes qui sont la civilisation même la division du travail et le progrès des cultures. Ni l’un ni l’autre, en effet, n’est compatible avec la propriété collective. La division du travail qui entraîne l’emploi de toutes les facultés à une occupation toute spéciale, à un détail de la production, afin d’augmenter la quantité et le bon marché des produits et de nourrir dans la plus grande aisance possible le plus grand nombre d’humains, la division du travail impose à une partie de l’humanité l’abandon de la culture du sol, crée les métiers industriels, les professions commerciales et fait sortir de terre les grandes villes.

Comment pourrait-on concilier l’industrie et les grandes villes avec la propriété communale collective ? Se figure-t-on tous les habitants de Paris propriétaires collectifs du territoire de la commune et se répartissant entre eux le sol soit annuellement, soit par décades d’années ? Pour qu’il eussent seulement vingt ares par tête il leur faudrait un domaine de 500,000 hectares, soit dix fois la superficie du département de la Seine[1]. Mais vingt ares par tête, ce ne serait pas le dixième de ce qu’il leur faudrait pour subsister les habitants de la place Vendôme ou du faubourg Saint-Denis seraient donc obligés d’aller chercher jusqu’à Orléans ou jusqu’à Rouen le champ que chacun d’eux aurait à cultiver.

Ce n’est pas seulement la division du travail, ce grand fait social sur lequel Adam Smith fait reposer toute la société mo-

  1. Ce département a environ 47,000 hectares.