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Ce qui dans mon esprit était une conviction lentement formée, j’ai tâché d’en avoir la démonstration positive par des chiffres. Les chiffres sont le seul argument que notre siècle défiant et sceptique considère comme probant. Il est vrai que les statistiques sont incomplètes ou manquent même dans beaucoup de pays sur le nombre relatif des citoyens qui ont de très petits revenus, de ceux qui en ont de moyens, de ceux qui en ont de grands, de ceux enfin qui en ont d’énormes. Néanmoins, quoiqu’il se rencontre des lacunes dans les renseignements statistiques sur la répartition des richesses, il n’est pas impossible d’arriver à une certitude approximative sur ce point capital de l’économie sociale. Certains pays, comme la Prusse, la Saxe, beaucoup de cantons Suisses, ont un impôt général sur le revenu qui permet de classer les citoyens d’après les ressources que possède chacun d’eux. Qu’il y ait des fraudes, des inexactitudes, dans les déclarations ou dans les perceptions de cet impôt, c’est incontestable mais quand une administration est aussi sévère que l’administration prussienne, on peut être assuré que ces fraudes et ces inexactitudes sont contenues dans des limites assez étroites. Il n’en est pas de même en Italie où l’impôt sur le revenu n’est que partiel, portant seulement sur les revenus mobiliers, où d’un autre côté il est excessif, s’élevant jusqu’à 13, 20 p. 100, où enfin les moyens de perception et le personnel des percepteurs sont défectueux. Aux États-Unis l’impôt sur le revenu a été appliqué pendant la guerre de sécession et quelques années après, les documents qui le concernent offrent de l’intérêt. En Angleterre, l’Income tax, cet impôt appliqué depuis près de quarante ans, fournit des indications moins précieuses parce que cette taxe frappe les choses plutôt que les personnes, qu’elle se morcelle en plusieurs impôts différents et qu’elle ne relève pas le revenu total du contribuable. Néanmoins, en ce qui concerne deux des catégories de l’Income tax, la cédule D qui frappe les revenus industriels, commerciaux, professionnels, et la cédule E, qui atteint les traitements et les pensions, on a des tables où les contribuables sont rangés par ordre d’importance.