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l’État est encore en principe légitime pour stipuler les conditions matérielles, l’ensemble des garanties que l’on peut exiger des industriels au point de vue de la salubrité et de la sécurité du travail de l’ouvrier. Dans une certaine mesure les fabriques se rapprochent des lieux publics. L’État qui a un droit de surveillance sur les lieux publics, les écoles, les églises, les théâtres, les garnis, les cafés et les restaurants, peut aussi en revendiquer un sur les usines.

Le principe est certain ; l’application doit en être prudente c’est seulement dans les cas particuliers que des contestations peuvent s’élever.

Quant à la limitation du travail des hommes adultes, l’intervention de l’État à ce sujet est inutile, dangereuse même. Les hommes adultes peuvent stipuler le nombre d’heures de travail qui leur convient. Dans l’état présent des choses, l’ouvrier est assez fort, assez vigilant pour ne pas se soumettre à une tâche exagérée, déraisonnable. Diminuer la journée de travail des adultes par une loi est un acte imprudent et généralement téméraire d’intrusion législative. On l’a fait en 1848, quand on fixa à un maximum de 12 heures la journée des fabriques on a eu tort, quoique cette limite soit à coup sûr la plus élevée que permettent les forces humaines ; mais les ouvriers seraient arrivés d’eux-mêmes, par leurs propres stipulations, à cette journée de 12 heures. Ce qui le prouve c’est que, dans beaucoup de cas, elle n’est plus maintenant que de 11 et parfois de 10. Aujourd’hui certains députés réclament (session de 1879) que la loi réduise à 10 heures la journée de travail dans les fabriques pourquoi 10 heures et non pas 8 ou 6 ou 5 ? cela est du domaine des conventions particulières entre majeurs. Il est regrettable que le gouvernement ait semblé prêter la main à une proposition de ce genre.

Il serait curieux de suivre le progrès des lois sur les manufactures, nous l’avons fait dans un autre ouvrage[1], nous ne reviendrons ici qu’en passant et d’une manière très-sommaire sur l’ensemble de ces mesures.

  1. Le travail des femmes au XIXe siècle.