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amortis, deviennent de plus en plus énormes. Si la population ne pullule pas d’une manière exubérante, l’accroissement des capitaux par l’épargne, par les travaux publics qui sont une forme de capitalisation, doit être plus rapide que la progression du nombre des habitants, et de ce chef les salaires doivent hausser.

C’est une fausse opinion que celle de Malthus qui considérait que la population se développe plus vite que les subsistances. Il est certainement des pays où l’accroissement de la population est très-rapide, trop peut-être, par exemple la Belgique et l’Allemagne ; néanmoins les salaires y haussent, moins il est vrai que dans d’autres pays comme la France où la population est plus stationnaire.

Quant au second élément de la hausse du salaire, l’augmentation de la productivité du travail de l’ouvrier, nous avons dit qu’il ne faut pas le confondre avec l’accroissement des capitaux. Tandis que ce dernier fait est tout matériel, l’autre est tout intellectuel ou moral. Quand on a introduit les cultures dérobées qui font porter à la terre deux récoltes dans une année, l’étendue du sol cultivé n’a pas été physiquement accrue, mais la puissance de l’homme sur le sol s’est agrandie. Il en est de même dans une foule d’industries où le perfectionnement des méthodes et des procédés a doublé, triplé la production, sans qu’à proprement parler les capitaux qui y sont employés aient augmenté.

Quelle est l’influence de la civilisation sur la force productive de l’ouvrier ? C’est incontestablement de l’accroître. On pourra citer quelques exemples qui semblent démontrer que la productivité du travail de l’ouvrier a diminué : ainsi dans beaucoup de houillères la quantité de tonnes annuellement extraites par chaque travailleur employé a baissé : on se plaint aussi de ce que les ouvriers en bâtiment, dans beaucoup de localités, produisent moins qu’autrefois, qu’ils fournissent un moindre nombre d’heures de travail et qu’ils déploient dans chaque heure moins d’énergie. Que ces récriminations soient vraies ou fausses, nous ne l’examinons pas ; elles peuvent être