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les ouvriers auxiliaires d’abord, puis la plupart des employés, à commencer par le gérant ; si on ne leur en accorde pas, la Société, d’ordinaire, s’en trouve mal. Même dans les associations qui ont la prétention de supprimer le salaire, celui-ci reste encore comme une mesure fixe de la valeur de la journée de travail ou de la tâche accomplie par chaque participant : c’est d’après le salaire habituel dans la même profession et dans les ateliers voisins que l’on détermine les acomptes qui sont distribués aux travailleurs associés pour leur permettre de vivre en attendant les bénéfices annuels ; et il est si vrai que ces acomptes ont le caractère du salaire que, si la société vient à faire faillite dans le cours de l’année, les ouvriers participants ne sont pas tenus de les rapporter à la masse, comme y seraient obligés des actionnaires qui auraient reçu des dividendes indus, des dividendes fictifs. Qu’on réfléchisse sur cet exemple, et l’on verra combien le salaire subsiste, même dans les combinaisons d’où on a cru l’exclure. Si, en effet, les cent ou deux cents francs qu’a reçus l’ouvrier participant, par paie de quinzaine ou mensuelle, comme acomptes sur les produits éventuels de l’exercice non expiré, si ces sommes ne sont pas un salaire définitivement acquis, l’ouvrier, en cas de faillite avant la fin de l’exercice, doit les rendre à la masse. Or, qui aurait la barbarie, l’injustice de le proposer ? Quelle législation admettrait une semblable rigueur ? Si cependant on ne l’admet pas, il faut invoquer une raison il n’y en a qu’une c’est que les sommes ainsi délivrées par quinzaine ou par mois, en proportion de leur travail, aux ouvriers associés, ne constituent pas un dividende, une anticipation, un acompte sur les profits, mais qu’elles forment un véritable salaire, une somme fixe prix du travail fixe de l’ouvrier, une rémunération définitivement acquise, quelle que soit l’issue de l’entreprise, qu’elle tourne bien ou mal. Niez, si vous le pouvez, que ce soit là un salaire[1].

  1. Dans une maison industrielle où il y a plusieurs associés, il est assez général que celui qui dirige l’affaire reçoive par préciput un traitement, c’est-à-dire un salaire ; bien plus dans une maison commerciale, à chef unique, il