le nombre croissant des habitants et la demande accrue des produits agricoles poussent à mettre en culture. Hausse progressive des denrées d’alimentation et du fermage, par conséquent détresse progressive de la population laborieuse, ou du
moins inégalité croissante des conditions humaines, telles
sont les conclusions de la théorie de Ricardo. Nous l’examinerons
de près dans un autre chapitre. Faisons en ce moment
deux seules observations. Au point de vue historique, l’économiste
américain, Carey, et avec beaucoup plus de précision
l’économiste français Hippolyte Passy ont démontré d’une
manière irréfutable que l’ordre de mise en culture des terres
n’est pas celui que Ricardo a imaginé, et que la société ne va
pas nécessairement dans sa marche du défrichement des terres
les plus riches au défrichement des terres les plus pauvres.
La seconde observation, c’est que la doctrine de Ricardo,
fût-elle idéalement, théoriquement exacte, n’a, de même
que celle de Malthus, aucune importance actuelle ni prochaine.
Ricardo vivait avant le prodigieux essor du peuplement
des États-Unis et de l’Australie, avant la découverte
des chemins de fer et des bateaux à vapeur. Il ignorait de nom
ces territoires du Far-West américain ou canadien, le Minnesota,
le Dakota, le Manitoba ; c’est à peine s’il avait entendu
parler de l’Ohio et de l’Illinois. Il ne pouvait mesurer les ressources
que toutes ces contrées fourniraient à l’alimentation européenne ;
il ne prévoyait pas que la baisse des frets rendrait
moins coûteux le transport d’une tonne de blé de l’extrémité
du Canada à Liverpool que ne l’était, de son vivant, le transport
de la même tonne du milieu de l’Écosse à Londres. Les deux
causes des fermages, d’après Ricardo, la supériorité de fécondité
naturelle de certaines terres sur d’autres mises en culture
et la plus grande proximité de certaines fermes des principaux
marchés perdent chaque jour de leur importance, par
le défrichement, aux antipodes, de terres également bien douées
de la nature et par la diminution croissante du prix de transport[1]. Le genre humain a devant lui l’assurance d’avoir pour
- ↑ Nous ne contestons pas que la théorie de Ricardo ne soit en partie vraie ;