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Ces exemples, si nombreux qu’ils soient et qu’ils deviennent, ne nous amènent pas à la conclusion qu’il serait bon que l’État ou les municipalités achetassent ou gérassent toute la propriété bâtie des villes. La gestion en serait sans doute fort défectueuse. On en peut donner un exemple. On sait que la ville de Paris fait faire de grands travaux depuis une trentaine d’années pour les exécuter et régler les salaires, l’administration dresse périodiquement ce que l’on appelle « la série des prix de la ville de Paris » on a remarqué que cette série des prix avait une tendance à s’élever plus rapidement que les prix payés par les particuliers. Quand un corps d’état se met en grève pour réclamer une augmentation de salaire ou une diminution de travail, il s’adresse d’abord à la ville de Paris pour que celle-ci admette ses prétentions dans sa nouvelle série de prix il est rare que l’administration résiste avec quelque ténacité. Comme elle s’inspire, d’ordinaire, d’idées démocratiques, il lui semble plus conforme à son mandat de se soumettre aux exigences de la partie la plus remuante de ses électeurs en tout cas elle apporte beaucoup de mollesse dans la défense, et un manque d’opiniâtreté. C’est ce que l’on a vu dans les grèves récentes de l’industrie du bâtiment à Paris pour 1879. La Ville a été une des premières à capituler dans la grève des fumistes, et, donnant ainsi une sorte de consécration officielle aux prétentions des ouvriers, elle les met dans une position très avantageuse et rend difficile aux particuliers de repousser les demandes des grévistes[1]. Aux États-Unis pour la réduction des heures de travail, c’est l’État qui le premier a admis dans ses chantiers la journée de huit heures on ne peut se dissimuler que cette faiblesse de résistance que nous signalons dans l’État ou les municipalités est une des grandes objections que l’on peut faire à l’extension de leur rôle et de leur activité industrielle. L’État n’est pas un énergique défenseur des intérêts du contribuable ou de ceux du consommateur.

  1. Au moment où nous écrivons (printemps de 1880) la révision des Séries de prix de la ville de Paris donne lieu aux plus grandes difficultés. Il n’est pas bon qu’un État ou qu’une municipalité soit le grand régulateur des salaires.