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miers. Sur plus d’un point peut-être, le métayage prendra de l’extension, mais en changeant les proportions du partage à l’avantage du colon partiaire. D’opulents propriétaires ou des sociétés de capitalistes pourront faire exploiter de grandes terres en régie. Enfin, la classe des propriétaires riches et moyens, en devenant moins nombreuse peut-être, transformera ses habitudes. Une grande partie cultivera elle-même ses terres et prendra à bail des terres voisines. Ces propriétaires riches ou moyens devront s’astreindre à la résidence, vivre de la vraie vie rurale, ne plus faire de séjour habituel à Paris, se lever matin, passer la journée en plein air, surveiller les ouvriers et les domestiques, mettre de temps à autre la main au travail, courir eux-mêmes les marchés, restreindre les dépenses de luxe, n’être pas en un mot des Parisiens ou des citadins transportés dans les champs et y faisant de haut de la culture d’amateur ou de dilettante. Ces propriétaires riches ou moyens devront devenir de vrais campagnards et adopter cette vie laborieuse et rude, mais pleine de savoureux plaisirs, que mènent le farmer du Far West des États-Unis ou le squatter de l’Australie. Les femmes mêmes ne devront pas dédaigner la surveillance, souvent la direction, de la partie de l’exploitation qui les regarde. Alors se constituera une classe moyenne rurale sérieuse, en même temps qu’une véritable démocratie agricole. Les propriétaires indifférents, absents, qui ne font que toucher le revenu de leurs terres, seront graduellement éliminés. L’égalité des conditions profitera de ce changement en même temps que la virilité des mœurs. Les carrières dites libérales et les carrières commerciales finissent par devenir tellement encombrées que beaucoup de jeunes gens de famille se résigneront, sans trop de peine, à cette vie fortifiante où ils trouveront encore des gains suffisants. Pour que cette transformation s’accomplisse, la réduction des neuf dixièmes des droits de mutation sur les immeubles est nécessaire. Ce sont ces droits de mutation qui maintiennent la propriété territoriale dans un état tout à fait anormal. Quand il n’en coûtera plus que 1/2 p. 100 de droits pour acheter une terre, en une vingtaine