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taire ; quand celui-ci change, il y a des droits nouveaux à payer ; le rôle du propriétaire consiste seulement à recevoir soit le fermage annuel, soit les droits de mutation. M. de Laveleye fait un grand éloge de ce régime qui aurait, selon lui, les plus rares mérites au point de vue de l’amendement des terres. Il ne nous est pas possible d’être de cet avis. Le beklem-regt, l’aforamento, le contratto di livello, sont des combinaisons exceptionnelles qui appartiennent au passé, non à l’avenir. Ce sont, en réalité, des restes du moyen âge. Le beklem-regt fut institué d’abord sur les biens des couvents pour les mettre en valeur les droits à payer lors du changement du fermier héréditaire tiennent de l’investiture féodale. La classe riche et instruite, celle des propriétaires, se désintéresse tout à fait du sol sous ce régime. Elle ne tarde pas à jouer le rôle de parasite en tous cas, elle n’a pas l’action bienfaisante, celle de conseil, d’initiation, d’apport de capitaux, qui fait le mérite du bon propriétaire. Désintéresser absolument les propriétaires du progrès de la culture, ce n’est certainement pas une réforme heureuse. Il arrive d’ailleurs souvent, au dire même de M. de Laveleye, que le fermier héréditaire sous-loue ; alors la situation devient pire que nulle part ailleurs[1].

Quel est donc le mode de tenure qui est appelé à prédominer désormais, puisque le fermage perd du terrain ? Il serait prématuré de vouloir trancher cette question. Voici l’idée, cependant, que nous nous faisons de l’exploitation du sol dans le prochain siècle. Le morcellement de la terre mettra une surface de plus en plus grande aux mains des paysans qui l’exploiteront directement. Le fermage, en devenant moins habituel, ne disparaîtra pas, mais les clauses pour la durée des baux et pour les conditions accessoires en deviendront plus favorables aux fer-

  1. M. de Molinari, dans ses lettres sur l’Irlande, publiées par le Journal des Débats, à la fin de 1880, montre excellemment que la cause des misères de la classe agricole de cette île, ce n’est pas l’élévation de la rente payée au vrai propriétaire, mais c’est l’habitude des sous-locations qui crée toute une race de parasites entre le propriétaire dont la rente est modique et le cultivateur exploitant dont la redevance est très-considérable. Or les paysans tiennent singulièrement a ce droit de sous-louer, tenant right.