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et en Écosse, travaux qui amenaient sur le marché métropolitain des produits dont la concurrence faisait baisser la rente de la terre dans la banlieue. Le même auteur nous fait aussi savoir qu’en France, au dix-huitième siècle également, des arrêts du Conseil du roi défendirent de planter de nouvelles vignes, parce que les propriétaires des anciens vignobles en souffraient dans leurs revenus. Les plaintes des agriculteurs de la banlieue de Londres et des vignerons français du dix-huitième siècle, les cultivateurs européens les renouvellent aujourd’hui à l’occasion des blés et du bétail d’Amérique.

Cette concurrence des pays neufs amène une sorte de dépossession des propriétaires européens, en leur enlevant une partie de leurs fermages, ou du moins en empêchant ces fermages de monter. Est-ce là un fait inique ou un fait malheureux contre lequel il faille se prémunir. Non certes. Il en résultera en Europe une sorte de rapprochement des classes, de réduction de l’écart entre les conditions du propriétaire foncier et de l’ouvrier. Les fortunes ainsi deviendront moins inégales. Il en est des capitaux incorporés dans la terre, comme de tous les autres. Ils sont exposés à dépérir, si on ne les reconstitue pas par ce prélèvement sur le revenu que l’on appelle amortissement. Le propriétaire n’a pas plus de droit à ce que l’État lui garantisse la perpétuité et l’intégrité de sa rente que le fabricant, le travailleur des professions libérales ou des professions annuelles n’aurait de droit à réclamer de l’État la garantie de ses bénéfices futurs. Toute fortune est exposée à des chances bonnes et à des chances mauvaises aucun particulier n’a assez de désintéressement pour offrir à l’État de le rendre copartageant de l’accroissement des profits qu’il réalise aucun particulier par conséquent ne peut avoir la prétention de faire supporter par l’État, c’est-à-dire par l’ensemble des citoyens, la totalité ou une partie de la dépréciation de fortune ou de revenu dont il est victime. On ne peut admettre une sorte de communisme unilatéral qui rendrait l’ensemble de la société responsable de toutes les pertes que des cas fortuits ou même que des progrès sociaux imposeraient à certains individus, sans