Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur soupe, et je ne pus douter qu’ils commençaient, hélas, de me digérer… J’étais étendu sur les dalles, tout ficelé, ne pouvant faire un mouvement, mais je les entendais, je les voyais… Mon vieux camarade Gérard avait des larmes de joie et me disait : « Ah ! mon vieux Michel, jamais je n’aurais cru que tu étais si tendre ! »

» Mme Gérard n’était pas là… mais, elle aussi, avait dû avoir sa part, car j’entendis quelqu’un demander à Gérard comment « elle avait trouvé son morceau »… Oui, monsieur, j’ai fini !… Ces horribles troncs, leur passion satisfaite, durent comprendre enfin toute l’étendue de leur forfait. Ils s’enfuirent, et Mme Gérard s’enfuit, bien entendu, avec eux… Derrière eux, ils laissèrent les portes ouvertes… mais on ne vint me délivrer que quatre jours après… à moitié mourant de faim…

» Car les misérables ne m’avaient même pas laissé l’os ! »

Gaston Leroux