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avaient beaucoup bu. Quelques-uns avaient sauté sur la table, tout autour de moi, et regardaient mes bras de telle sorte que, gêné, je finis par les dissimuler autant que possible, en enfonçant mes mains jusqu’au fond de mes poches.

Je compris alors — pensée foudroyante — pourquoi ceux qui avaient encore des bras et des mains — la maîtresse du logis et le docteur — ne les montraient pas ; je compris cela à la férocité soudaine qui s’alluma dans certains regards… Et, dans le moment même, le malheur ayant voulu que j’eusse envie de me moucher, et que je fisse un geste instinctif qui découvrit, sous ma manchette, la blancheur de ma peau, trois terribles crochets s’abattirent aussitôt sur mon poignet et m’entrèrent dans les chairs. Je poussai un cri horrible…

— Assez, capitaine !… assez ! m’écriai-je en interrompant le récit du capitaine Michel… C’est vous qui avez raison, je m’enfuis… Je ne veux plus en entendre davantage…

— Restez, monsieur, ordonna le capitaine. Restez, parce que je vais vite terminer cette histoire épouvantable qui fait rire quatre imbéciles… Quand on a du sang phocéen dans les veines, déclara-t-il avec un accent d’indicible mépris, en se tournant vers les quatre loups de mer qui, visiblement, étouffaient de l’effort qu’ils faisaient pour se retenir de rire…, quand on a du sang phocéen dans les veines… c’est pour longtemps ! Et quand on est de Marseille, on est condamné à ne plus croire à